lundi 19 décembre 2011

Rude Girl.

Les punks n'était rien mais les punks voulaient être vus. C'était l'idée... La grandeur dans la nullité.
Mais lequel d'entre eux avait compris où tout ça les menait ? Certainement pas Ray Gange, l'épouvantable roady des Clash dans le film Rude Boy.
Ah Ray Gange ! 1m80 de mal entendu. Un mal traité, un mal traitant, un con qu'entend pas la guitare, qu'a pas le rythme, un suiveur invétéré, un qui voudrait bien, mais qui voudrait quoi ? Le grand escroqué de l'histoire du Rock'n Roll, l'idolâtre impénitent, la grenouille de bénitier, c'est Ray Gange qui l'a incarné mieux que personne.
Badia est pareille: une Rude Girl. La parfaite victime... L'oubliée du royaume, aujourd'hui, demain, après-demain...  Celle que tout méprise à commencer par ce qu'elle vénère. Elle aussi, elle aimerait gagner ! Mais son horizon est trop court. Son angle de vision trop étroit. Elle a pas les moyens, elle a pas le talent. Elle a la rage oui ! Mais ça suffit pas. Badia c'est Job sur son tas de fumier !
Ray et Badia vont d'un point A vers un point A. En hurlant : JE SUIS LA ! Chez les punks, c'est une danse qu'on appelle le pogo. Aller nulle part en mettant des coups en l'air. Ray et Badia pogotent dans une nuit épaisse et sans fin.  Il n'y a rien à espérer d'un pogo.
Sinon le geste invraisemblable, le coup de trop qui déclenche la bagarre générale. Encore que... Sinon le geste invraisemblable, le coup de trop qui déclenche la bagarre générale.

Emmanuel Barrault. 


 Portée par Badia, c’est bien la dernière figure punk que met en scène Sur la planche de Leïla Kilani. La dernière non pas comme avatar d’une évolution plutôt sagement répertoriée du genre (musique, mode, affiliations culturelles, credos politiques) mais la dernière en ce qu’elle renoue avec la force irruptive d’un bloc de résistance qui explose et s’expose sans préalables. La chose avant la pensée de la chose, ou plutôt la chose et sa pensée dans la même émergence. Comme si le corps lui même, avant le travail de l’analyse, signifiait l’incessible révolte.
La manière punk est celle d’un bloc. Urgence, singularité.
Parmi les modalités de résistance aux modèles dominants, le refus de la soumissions à l’ordre établi se met ici en place d’emblée, intégrant dans le même mouvement la conscience de l’inique et les stratégies de la rupture. Cela m’évoque les calculateurs prodiges qui, dans l’instant du problème soumis, en livrent la réponse, fort d’une capacité mentale de visualisation des données aussi étrangère au mode de calcul arithmétique en usage que l’est la géométrie riemanienne à la géométrie euclidienne.
Badia est de ce bois là, celui dont sont faites les racines.
Parole psychotique, parole de Pythie.
Badia, le corps déchiré par le morcellement du travail puant à la chaîne, en but à l’injonction de normes socioculturelles indigentes (pas plus orientales qu’ailleurs), laminée par l’intrusion des diktats économiques dans l’organisation de sa vie (et du territoire), se bricole une intégrité singulière, une colonne vertébrale/armure (l’intérieur et l’extérieur confondus) comme seul viatique pensable, condition de son existence et de sa défense, tant chez Badia l’une et l’autre sont consubstantiellement liées.
S’il y a énigme, ce n’est pas dans l’interprétation de la vision - à moins d’être sourd et aveugle -, mais dans la capacité à voir plus loin, plus vite.
Comme seule la poésie en a le privilège.

Cati Couteau. 

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